Hopital

C'est comme si c'était fait exprès: ce putain de bar est situé pas trop loin de l'Hôpital municipal. Alors, j'm'y traîne plus que j'y cours. J'ai jamais particulièrement aimé les bistouri et les anesthésiants même si, fut un temps, j'avais comme qui dirait une carte de fidélité à l'hôpital militaire. Mais c'est pas le genre de cartes qui te file 15% de réduction pour le dixième achat. Nan, c'est le genre de cartes que t'aimes vraiment pas sortir.

Et c'est comme là, l'odeur aseptisée m'attaque les narines dès que j'pose le pied dans l'enceinte de l'hosto. C'est comme qui dirait une marque de fabrique. T'as envie de te flinguer rien qu'en respirant ces effluves de putréfaction.

J'repère la standardiste de service et j'lui fais mon plus grand sourire ... qui doit bien montrer une gueule de travers avec quelques ecchymoses.

" Bonjour Mademoiselle, radieuse journée, n'est-ce pas ? J'ai comme qui dirait un besoin urgent de soins, puisque je sors tout juste d'une altercation avec un charmant jeune hommes. Plusieurs coups de poing reçus et je dois avoir une balle qui se balade quelque part au niveau de la ceinture. Vous pouvez faire quelque chose pour moi ? "

Je la vois écarquiller des espèces de billes inexpressives avant de filer comme une balle vers ... Mais vers où au fait ?

Mais pas si viiite comme dirait l'autre. On a l'temps. Tellement le temps. Puis je les vois débarquer à trois ou quatre. Des types blancs. Enfin, en blanc qui arrivent, me disent de m'allonger, me baratinent tous en même temps et me bombardent de questions façon interrogatoire foireux. Putain, je déteste les hôpitaux ... J'ai toujours l'impression d'être shooté d'avance avec toutes ces lumières qui dansent la rumba autour de moi.

Et c'est parti vers le charcutage en règles. Un ascenseur, une porte à double battants et un furieux qui s'colle mon dossier hâtivement constitué. J'ai un peu perdu la notion du du temps. J'sais même pas combien durent ces moments où mon brancard attend dans le couloir que transite mon dossier. C'est lorsque Fat Ass prend mon dossier et commence à dicter ses instructions pour mon déshabillage et ma douche que j'ai un flash de lucidité:

" Toubib... Une faveur s'il-vous-please... Pas d'anesthésie. "

Et mon regard lui montre que je ne dis pas cela par héroïsme ou pour déconner. J'ai aucune idée de savoir si ce putain de mafioso va pas venir me défourailler dans le sommeil qui suit invariablement l'anesthésie.
Alors, autant que la douleur m'aide à garder mes sens éveillés. Ca sera beaucoup mieux ainsi. Beaucoup, beaucoup mieux. Et à voir sa gueule, il a compris ce que je voulais dire. Dernière double-porte et nous voici entrés dans le Purgatoire. Cet endroit qui a vu mille et mille soins ... Ou mille cadavres. Des types en blanc, avec des masques attendent déjà le chef d'orchestre. Ce soir, on joue Strauss, Vienna Blood. Les petites phrases délicates virevoltent et flottent dans l'air, à l'image du regard du praticien qui plombe son regard dans le mien comme pour s'excuser d'avance du flot de douleur qu'il va m'occasionner.

Il parle, donne des instructions précises, mais je n'écoute que la petite musique ... Qui devient tantôt grandiloquante, tantôt timorée, douce et évanescente. Ou au contraire, redondante et pesante, lorsque les basses viennent soutenir discrètement les flûtes.

Fat Ass me charcute seul, je repère de loin un jeunot qui ne fait que regarder. Soit un putain de sadique, soit un jeunet qui prend des leçons. Je le fixe alors que lui est plutôt concentré sur les gestes sûrs et précis de Fat Ass. Puis, il détourne les yeux du taff en cours pour croiser les miens. Sans doute par inadvertance vu la vitesse à laquelle il a détourné le regard, en rougissant légèrement d'ailleurs.

L'opération se déroule sans un accroc et presque sans gerbe superflue, Fat Ass est doué. Mais loin de moi l'idée de venir profiter trop souvent de ses services. La mélodie s'évanouit après l'acme. Le thème revient, finalement, lancinant, comme la douleur, cette vieille amie. Et les petites trilles finales m'assurent que jamais je n'oublierai cette nouvelle cicatrice. Qui vient s'ajouter à toutes les autres. Et les trois derniers coups de l'opération sonnent lorsqu'enfin, Fat Ass pose ses instruments et essuie lui-même sa sueur. Il me regarde alors que j'suis encore à moitié groggy par cette nouvelle incursion dans mes tripes.
Je les supporte de moins en moins, l'âge sans doute.

" On vous a remis en place le visage. Les os ont pris des coups mais rien de cassé. Votre mâchoire a sacrément encaissé, dites-moi. Les articulations s'étaient démises et il vous a fallu la remettre en place. Concernant la balle, elle a pénétré de biais dans votre bas-ventre. déviée par la boucle de votre ceinture. Un sacré coup de chance pour vous qu'elle ait fini dans vos poignées d'amour. La chirurgie a fait des miracles, mais il faudra veiller à bien vous remuscler. Je ne suis pas mécontent de mon boulot. Je vous conseillerai tout de même de rester ici quelques heures, le temps qu'on termine vos analyses. Vous repartirez demain matin. "

" Alea jacta est, Merci toubib."

Et les voila qui m'emmènent dans une piaule, après m'avoir fait revêtir leurs fringues d'hosto. A ma demande, ils m'ont laissé mon calibre à disposition. Sous les draps. Bah ouaip. On sait jamais sur qui on peut tomber, ... Sacré pays.

Ah tiens, une chambre occupée. J'aurais préféré un peu de déférence pour un représentant des forces de l'ordre dans l'exercice ... Mais qu'est-ce que je raconte, moi ? Je ne suis là que pour quelques heures, le temps qu'ils vérifient mes putains d'analyses. Tout se passera bien. Y a pas de raison que ça dégénère. De toute façon, cette altercation m'a mis les batteries passablement à plat. Mais je suis là pour me recharger et m'est avis que ça va pas prendre trois plombes. Au pire, une partie de la nuit, faut que je sois frais et dispo pour me présenter au Capitaine ... Simplement, j'aurais pas l'temps de faire les boutiques. Alors bah, ... Tant pis pour le blouson troué et la ceinture explosée, faudra faire avec.

L'autre type a l'air d'un rigolo. Un jeunet complètement barje qui a des yeux à te faire se retourner un mort dans sa tombe. Il a pas l'air dans sa meilleure forme et a dû connaître des jours meilleurs, je ne lui en voudrais donc pas de sa question complètement conne.

Un fou ? Moi ! Mais qu'il ouvre les yeux ! Welcome to the jungle, baby, we're in Sin City. Je me permets un sourire qui me met aussitôt la mâchoire au martyre. Je mâchouille et rumine une réponse à la normande avant que la voix prenne le pas sur ma réflexion et lui fasse parvenir ces pensées nocturnes:

" Croyez-moi, compère, j'aurais également mille fois préféré me retrouver seul dans une chambre. Et non, je suis pas du genre à défourailler dans le tas pour un rien. Par ailleurs, c'est pas mon style de dézinguer un mec dans un lit d'hôpital. "

Il m'ferait limite de la peine s'il n'y avait un je-ne-sais-quoi de bizarre dans son attitude et son physique. On dirait qu'il est né d'un mariage particulièrement casse-gueule entre une personne d'un rare raffinement et d'une grâce sans faille et d'une autre au physique avantageux, athlétique voire musculeux. Etrange comment s'harmonisent des yeux fins et sombres avec un corps noueux, frêle certes mais bien entretenu ... Enfin, autant qu'il est possible à quelqu'un d'allongé sur un lit d'hôpital.

" Dure soirée à ce que je vois, première fois que vous mettez les pattes en ville ?

Je continuais de regarder l'homme pour le juger. A première vue il n'y avait pas de risque qu'il s'emporte soudainement pour essayer d'avoir ma peau et il ne ressemblait pas vraiment à un potentiel danger. Malgré tout je restais tout de même méfiant.

-"Oui on peut dire en effet que c'est une dure soirée ... Sinon pourquoi tenez vous savoir si c'est mon premier jour dans la ville ? Mais pour vous répondre c'est bien mon premier jour, je l'aurais attendu un peu plus agréable mais après tout nous somme à Sin-City non ?"

Je me demandais pourquoi il m'avait posé cette question, mais après je faisais de même de mon côté souvent et je ne pouvais lui en vouloir de se renseigner plus sur moi. De toute manière lui répondre ne m'avait rien coûté, ce n'était pas une information capitale et apparemment ça devait se voir facilement que j'étais là depuis peu.

-"Si ce n'est pas indiscret que vous êtes vous fais pour finir à l'hôpital ?"

J'avais appris récemment que trop de question à Sin-City pouvait être dangereux, mais avisant que mon interlocuteur avait fait le premier pas je supposais pouvoir me permettre de le lui demander. Si il était vraiment un criminel recherché ayant finis ici après une rixe, cela m'aurait beaucoup étonné qu'il n'ait pas réagis à ma toute première phrase.

Mes blessures par balles me lançaient toujours mais je gardais toujours un air impassible, mes yeux gardant leur habituelles froideur. Je n'avais pas pour habitudes de me plaindre en temps normal alors ce n'était pas pour le faire en présence d'un inconnu. Ce n'étaient pas mes premières balles que je m'étais prises et ce ne seraient surement pas les dernières...

" Oh, je vois ... "

Un nouveau ici ... Apparemment déjà dans son élément, déjà dans Sin City. Je ne suis pas en service mais cela ne m'étonnerait pas que ce bonhomme ait des choses à cacher, vu son ... malaise chronique pour répondre à une question pourtant anonyme. C'est pas comme si je lui avais demandé son blaze. D'ailleurs, il me rend la pareille: question, sans demander le blaze.

C'est marrant cette pruderie et cette hésitation à balancer son nom dans une ville pareille. Peur d'être retracé sûrement. Mais allons-y gaiement et répondons au monsieur puisqu'il a été si poli avec moi.

" J'vous mentirai pas: je ne me suis rien fait ... Mais, vous savez ce que c'est ... On s'détend en buvant un verre et v'là qu'un connard russe se permet de venir poser son cul ici en croyant que c'est chez lui ... Après 40 ans de guerre froide. Un cadavre au sol, manifestement de son fait ... Alors, on cause, le genre réservé, vous voyez... Et puis le v'la qui lance des insultes et qui compare McDonald's, LE Mcdonald's à Britney Spears. Bref, ça s'échauffe, mandales, bastos, bouteilles sur la gueule et tout le toutim.

Un petit silence pendant lequel j'ai un sourire rêveur en repensant à cette baston mémorable pendant laquelle il a dérouillé le Russe. Ah, Basin ... Ville de mes rêves !

" Rien de très original, la routine quoi. "

Ouais, ça f'ra que quelques cicatrices en plus qui viendront tenir compagnie à toutes celles que j'ai déjà... "Scarman" qu'ils devraient finir par m'appeler. Par contre, j'ai un mauvais pressentiment avec ce bonze... Trop clean pour être honnête, la politesse cadre pas avec au moins deux balles reçues dans la même soirée. C'est signe

Un: soit d'un esprit dérangé.
Deux: soit d'un mec s'étant trouvé au mauvais endroit au mauvais moment.

" Belle première en tout cas. Des projets d'avenir à part retrouver le connard qui vous a mis ici ? "

Je souriais amusé, décidément j'aimais de plus en plus ce gars, il avait beau paraître intimidant au premier regard ce n'est pas ce genre de détails qui m'intéressait chez une personne. J'avouais en n'avoir un peu rien à foutre de la fierté américaine, mais son histoire m'avait fait sourire par son incongruité.

-"Je vois, ce russe à du s'en prendre pas mal je suppose au vu de votre carrure. Mais vu comme il vous a amoché celui-ci devait être aussi plutôt coriace."

Il avait beau s'être fait déboiter la mâchoire, il paraissait tout de même fier de cette rixe. Un gars un peu fou et aimant le combat, quoi de plus normal à Sin-City ? Je n'avais pas vraiment confiance en lui mais je me permis tout de même de parler de ma mésaventure, après tout j'avais du temps à perdre autant le faire passer.

-"Quand à moi on va dire que j'ai été trop téméraire pour un premier jour, les gens n'aiment pas qu'on s'invite à leur table et trouvent ça louche quand on parait polie. Je dois avouer les comprendre, mais je ne m'attendais pas a tomber sur un psychopathe qui allait me plomber. Quand aux projets d'avenirs je n'y ai pas encore réfléchit pour moi le but premier et de pouvoir remarcher pour le moment."

Le type avait l'air méfiant à mon égard mais qu'en avais-je à faire, il fallait croire qu'à Sin-City avoir quelques allures de "gentleman" vous mettait d'office sur la liste des gens dont ils faut se méfier. Ce qui me faisait le plus rire je crois, était le faite que je ne cachais pas mon jeu, j'étais naturel, le type de personne restant polie en toute circonstances et qui vous préviendra avant de vous plomber si vous persistez à l'embêter.

L'est marrant le gosse, il semble pas tout à fait dupe de l'histoire que je viens de lui seriner. Plutôt comique l'histoire du gentleman qui se retrouve plombé par trois fois. Curieux tout de même de se prendre trois bastos sans pouvoir répliquer. Il a l'air quasi christique: du genre à se prendre un coup et à tendre l'autre joue. A moins qu'il faille se méfier. Faut vraiment être cintré pour pas vouloir se venger. Enfin, ça serait moi, j'y serais allé de la main gauche et lui aurais fracassé sa gueule à coup de mâchoire. Mais bon, ça, c'est une réaction de mec civilisé, empreint de savoir-vivre et qui n'oublie jamais de rendre la monnaie de sa pièce.

" Disons qu'il n'a pas ignoré que nous avons eu une discussion assez appuyée. Mais j'avoue que j'ai une monnaie à lui rendre: une balle mal placée. On aura sans doute l'occasion d'en rediscuter lui et moi. "

Tout de même étonnant qu'il ne veuille pas en dire plus ce qu'il va faire. Normal en même temps, c'est pas parce que nous sommes voisins de chambrée que nous finirons les meilleurs amis à-la-vie à-la-mort. Ceci dit, c’est pas une raison que ne pas être agréable avec le monsieur. Sans aller jusqu’à dire qu’il me plaît, ce qui est faux, étant donné que je décèle en lui une capacité à tuer de sang froid, je peux dire qu’il m’est presque sympathique. Ouais, c’est le genre de gamins avec qui je jouais aux billes dans la cour de récré.

Chose que je n’aurais pas fait avec le toubib qui déboule d’un coup dans la piaule, lisant frénétiquement un dossier. Sans même s’apercevoir qu’il arrive en plein milieu d’une intéressante conversation, le voila qui me blablate :

« L’analyse de votre mâchoire n’a révélé aucune fracture, on est en train de regarder pour la blessure au bas-ventre. Vous marchez sans difficulté ? »

Avec un soupir qui en dit long sur mes sentiments vis-à-vis de ce jeune homme, probablement un égaré en stage d’une fac de médecine-thanatopraxie, je me lève sans trop grimacer et entreprend un moonwalk à en faire pâlir Bambi. Désaxage de la jambe libre. Pointe au sol, fléchissement du genou et demi-tour sur la pointe. Pas de twist et me revoilà à mon point de départ, que c’est excitant !

Avec un regard médusé, le gosse coche une paire de cases sur sa feuille et repart aussi sec.

« On n’est pas plus poli dis donc … Même si nous sommes à Basin, je suis médusé de constater que les bonnes manières se perdent. C’est ce que je disais au compère russe et je dois avouer qu’il a bien dû agréer mon point de vue. Mais dites-voir … »

J’ai comme un élan de bonté là présentement. Un de ces élans qui m’a valu médailles et mises à pied, firmament de gloire et mutations disciplinaires. J’le regarde droit dans les mirettes, c’te pauvre cave qui s’est fait tringler pour une obscure raison …

« Vu que vous n’êtes pas prêts de courir un marathon, vous voulez que je vous procure une chaise roulante ? »

Je ne savais pas vraiment qui étais le plus fautif dans l'incartade que mon voisin de chambre avait eu avec ce russe et de toute façons je m'en foutais pas mal. On était à Sin-city, alors pas besoin de raisons pour vouloir casser la gueule ou tuer quelqu'un et j'en avais fais les frais récemment. Si le colosse à côté de moi s'était pris une balle je me demandais dans quel état le russe, surement mieux puisqu'il disait avoir une balle à lui rendre.

-"De la monnaie à rendre ... Je crois que moi aussi j'en ai à rendre, mais ce serait plutôt trois balles et encore ... normalement je rends au centuple."

Je regardais ma main trouée, bougeant assez agilement les doigts pour s'être pris récemment du plomb, puis un sourire léger naquit sur mes lèvres, murmurant.

-"Oui au centuple, j'ai eu assez de plomb au cours de ma vie dans le corps pour faire un char d'assaut, alors ce ne sont pas trois balles qui vont me gêner."

J'allais de nouveau parler à mon interlocuteur quand un médecin où plutôt stagiaire en médecine fit son entrée et nous interrompit. Vivement que je sorte de ce foutu hôpital, rester assis à ne rien faire et voir des blouses blanches se trimbaler m'horripilait quelque peu.

Mais je du avouer quand même que de voir l'armoire à glace commencer à faire un Moonwalk me surprit assez et m'amuse beaucoup. Finalement il y avait au moins quelque chose d'intéressant dans cette journée de merde.

-"Poli ? Je crois que c'est une chose qui s'est perdu dans cette citée et si on ne l'a pas encore perdu on a plus de chance de la perdre avec une balle venant de quelqu'un de méfiant. Tellement vrai malheureusement. Quand à la chaise roulante j'aimerais m'en passer le plus possible, je hais ces engins, si je pouvais marcher sur les mains je l'aurais déjà fait. Mais bon je crois bien que je vais devoir être obligé d'en utiliser une tout de même."

Intéressante conclusion que celle que je tiens là. Soit le bonhomme me baratine, comme il est de bon ton dans une conversation courtoise, soit c'est un p'tain de bargeot doublé d'un criminel recherché. Ce qui pourrait faire mes affaires pour plus tard. Dingue c'que peut vous rapporter du bla-bla aimable. Sauf que je connais pas son blaze au 'tit pote. Mais ça, c'est qu'un détail.
Nan, en fait, ce qui m'intéresse, c'est le gars qui l'a troué de trois balles sans prévenir. Tandis que l'autre lui en promet trois ... cents ! Autrement dit, autant qu'il s'achète une Gatling, ça fera plus propre dans le paysage. Alors ouais, faudrait que je le cuisine sur le faiseur de filtres à café. J'ai l'impression que ça constituera une bonne piste. Quoiqu'en fait, il doit s'agir d'un doux dingue qui passe son temps à pérorer et à sortir son calibre pour faire mouiller les filles ... et refroidir les velléités d'un mâle venu pisser sur son territoire. Donc, je me note le signalement du bonhomme dans ma p'tite tête. Ca ne me sera pas bien utile, vu que c'est son premier jour ici. Mais qui sait, si le bonhomme prend du galon, au moins aura-t-il une chance de ne pas passer inaperçu. A moins qu'on puisse être amenés plus tard à bosser ensemble. Ce gars m'est sympathique, au fond ... Tout à fait sympathique. L'avenir nous le dira, pour le moment: c'est vacances !

" Je comprends tout à fait ce que vous voulez dire... Et vu la gueule que tire la chaise que vous avez prêt de vous ... J'pense qu'il vaut mieux que je leur explique la fonction première du service hospitalier. "

[i] Et me voila parti dans d'intenses pérégrinations dans le cauchemar hospitalier de Basin. D'un blanc cassé, d'une atmosphère aseptisée à l'ethanol, l'hôpital suinte la décrépitude morale de la ville: et en plus, sont pas foutus de filer des chaises roulantes qui roulent. Bon, c'est pas que l'intérêt du gosse me tient particulièrement à coeur mais faut dire c'qui est, je vais pas attendre trois heures dans une piaule avec un mec à peine sorti de l'université. J'me pointe devant Raquel welch, enfin, devant la responsable des infirmières et j'ai à nouveau le genre de discussions qui m'fait marrer. Prouver par A + B à un abruti qu'une chaise roulante doit rouler. Même pour un connard qui s'est fait aligner de trois balles dans l'cageot. Elle finit par consentir à mon point de vue et me refile un de ces immondes tentacules à roues en me promettant maux et merveilles, autrement dit, en m'envoyant au Diable sans passer par la case Purgatoire. Je m'installe sur la chaise et entreprends de l'essayer devant elle, histoire de voir si elle m'a pas pris pour un cave. Bon, tranquille, apparemment, ça roule. Forward. Backward. Stop. Forward. Backward. Stop. Ouais, on dirait que ça va. La direction est ptêt un peu raide. Et j'me repointe dans la chambre du p'tit jeune, tel Fangio au volant de son bolide. Un grand sourire illumine ma gueule de con et j'lui refile le bébé, tout en douceur.

" A vous la liberté, compère. Si vous voulez que j'aide à vous installer, je veux bien. Mais c'est plus cher. "

Je regardais intrigué cet inconnu, que je n'avais rencontré que depuis peu de temps, se diriger vers l'accueil de l'hôpital. Mais qu'est ce qu'il pouvait bien faire à jouer les bonnes âmes dans une ville comme Sin-City. Si quelqu'un m'avait dit il y a peu qu'il y avait des gens qui irait râler parce que votre chaise roulante ressemble plus à une antiquité qu'autre chose, je lui aurais rit au nez. Mais il fallait croire que c'était possible puisque qu'un homme à la carrure de boxer allait se plaindre pour moi. Je devais avouer que voir quelqu'un se donner tout ce mal pour moi était plutôt étrange et même suspect.

Si il croyait pouvoir tirer quelque chose de moi en se montrant gentil, il allait falloir qu'il démontre que ce n'était pas un de ces psychopathes que j'avais rencontré et qu'il ne me poignarderait pas dans le dos à la première occasion. Enfin penser ça était une douce utopie tout le monde voulait se trucider à Sin-City, puis à vrai dire je me foutais pas mal de ce gars, j'aviserais bien de ce qu'il veut plus tard, si il pouvait me ramener un chariot potable je n'allais pas faire la fine bouche.
Quelques minutes après je le revois se pointer avec une autre chaise roulante, celle-ci paraissant rouler, ce que n'était apparemment capable l'autre engin.

-"Je vous remercie, vous n'étiez pas obligé de vous embêter pour moi. Sinon je pense que ça ira, je saurais m'installer dans ce cageot roulant."

Le but n'était pas de vexer l'homme, mais j'avais une aversion pour tout ces engins venant de l'hôpital, c'était bien ma veine de m'être fait plomber. Puis j'en avais marre de rester dans ce lit, donc autant utiliser la chaise roulante qu'il m'avait apporté pour sortir enfin de ce bâtiment de miséreux.

Je reprenais donc discrètement mon arme sous mon oreiller, essayant de la ranger sur moi sans attirer l'attention de l'autre bonhomme. De toute façons qu'est ce que ça pouvait bien lui faire, m'est avis qu'ici même les docteurs se déplacent avec un gros calibre. Donc une fois mon joujou rangé, je me débrouillais comme je pu pour m'installer sur l'engin roulant. Le travail ne fut pas si aisé que cela, mais je m'assis dessus sans y prendre trop de temps.
Une fois cela fait, je resserrais sommairement mon bandage autour de ma main trouée, ce sera plus facile pour faire rouler les roues comme ça.

-"Bon je crois que je vais pas rester plus longtemps que ça ici. C'est pas que je n'aime pas leur service, mais je m'en passerais bien. Je vais vous souhaiter une bonne journée, de mon côté je m'arrangerais pour guérir."

j'affichais un léger sourire, même si je me méfiais de cet homme, j'éprouvais malgré tout une certaine sympathie à son égard, peut être le rencontrerais-je une autre fois, pensais-je.

Il y'a comme un truc étrange, ce foutue bip dans ma tête, ca me stresse. J'ouvre un œil, puis l'autre, j'ai mal.... je regarde a droite et a gauche, une chambre d'hôpital, pourquoi je suis la? je me sens partir.... Noir....

Ce Bip encore, mais qu'est-ce que c'est? ah oui l'hôpital, le monitoring. Réfléchit Marty, qu'est-ce qui c'est passé? le kaddy's, le néanderthalien! le salaud! il me le paiera. j'ouvre un oeil, puis l'autre, j'ai mal.... je regarde a droite et a gauche, une infirmière me sourit.

Bonjour monsieur Rain, ravi de voir que vous vous réveillez enfin. Le médecin passeras vous voir dans la journée, vous nous revenez de loin vous savez.

Je me sens partir.... Noir....

Ecore ce bip, foutue hosto! même les infirmière sont moche, je veux sortir, je vais me le faire le néanderthalien! J'essaie de me relever, le médecin me retiens.

Monsieur Rain, soyez raisonnable, vous n'êtes pas guéris. vous aurez besoin de rééducation, votre jambe droite est salement amochée, il y'a peu de chance que vous en retrouviez pleinement l'usage.

Il me le paieras....

Calmez vous monsieur rain, vous etes encore faible.

Je me sens partir.... Noir....

Monsieur rain, vous êtes désormais prêt a sortir, je suis ravi de vous voir en si bonne état, ce n'était pas gagné.

Merci Doc....

Je me retourne sans autre discours et je franchit la porte de l'hôpital en prenant appuie sur ma canne. Il me le paieras.

[direction rue et ruelles du centre ville]