Les cellules

BG


Déjà plus d'une heure que je suis ici, ça j'ai eu le temps de visiter la cellule, mais il faut dire que le tour était vite fait, une case prévue pour dix dans un sous sol austère, plus loin à ,l'opposé de la porte d'entrée il m' as semblé remarquer un couloir fermé au bout par une porte blindée, surement d'autres cellules réservées aux plus gros poissons. Je repense au peu d'espace dont je dispose et voilà ma claustro qui reviens, curieusement les murs restent plus avenants que ceux de l'hôtel mais leurs éternelle peinture verte écaillée semble être plus vieille que le lieu lui même. L'odeur des toilettes communes reflue à travers la porte verrouillée, déjà ils ne sont pas dans la cellule. Envahie par une bouffée de stress, je commence à regretter d'être sortie de cette foutue chambre, au moins y avais il un lit.
Un policier que je n'ai jamais vu s'approche de la porte et me demande:
« Mademoiselle vous avez bien dit Kane Ryben? »
Je regarde à peine le type, c'est la deuxième fois qu'on me demande une confirmation, et comme la première fois on m'accorde un grand sourire ahuri comme si j'étais une enfant un peu bête. Je hausse les épaules, de toute façon si personne ne me sort de ce trou je serais relâchée dans quelques heures...Et me présenterais immédiatement à l'accueil du commissariat et tôt ou tard je leurs ferais passer l'envie de se payer ma tète.
« Alors? »
Nouveau haussement d'épaules, je veux mes cigarettes, et je demande à ce que l'on me les restitue,mais l' homme me rit au nez avent de s'éloigner.
Peut être est ce mon éternelle méfiance, mais il me semble que quelque chose cloche dans l'attitude de ces mecs la...

Ah bah putain, ça fait bizarre de descendre au trou pour y aller voir si j'connais quelqu'un. En tout cas, une personne qui connaît mon blaze alors que j'ai même pas pris mes fonctions dans ce trou à rats, c'est pas spécialement bon signe. Ca peut vouloir dire pas mal de choses ... Ptêt même signifier un décès prématuré. Bon, j'ai toujours l'excellente habitude de ne jamais fermer mes holsters, ça m'a fait gagner une paire de fois quelques précieuses secondes au moment où la vie ne dépend que d'un battement de cil.

Me voila donc dans une partie encore étanche de ce bâtiment décrépi. Ces cellules ... qui ont accueilli quelques-uns des plus grands criminels du comté, parfois même des flics. C'est bizarre. On ne sait jamais sur qui on va tomber. Je projette une ombre peu attrayante sur les murs de cet endroit, comme si j'étais un démon venu se repaître d'une victime. L'image me plat assez, il faut dire... Mais ce n'est malheureusement pas la réalité. J'ai foutu beaucoup de gens aux trous, insister sur le pluriel, c'est important ...

Mais c'est la première fois que je vais chercher quelqu'un qui me connaît.
J'tombe devant la cellule qu'on m'a indiquée et j'avoue que je hausse un sourcil d'étonnement. Il n'y a pas grand chose qui peut me surprendre dans ce pays... Et dans ce pas grand chose doit se trouver le fait qu'une gosse à la gueule d'ange d'à peu près vingt piges dit me connaître. Putain, qu'elle me dise pas que je suis son père... J'serai dans une belle merde.

" Bonjour, jeune fille.
Je suis Kane Ryben. Tu voulais me voir ? "

On a vu plus percutant comme entrée en matière mais là tout de suite, j'suis pas tellement inspiré pour lui sortir une myriade de politesses. Plutôt jolie la gosse ... Mais aussi taillée comme une fifille à papa. J'me demande ce qu'elle fout à Basin. En général, les gueules d'ange comme elle, on les enferme dans une pension et quand elles en ressortent, c'est soit pour tourner des porno ou des Simple Life, soit pour devenir bonne soeur ou mère au foyer. Rarement pour se retrouver dans une ville minable, enfermée dans un cachot miteux.

J’entends un bruit dans le couloir, un pas lourd presque militaire. Me dites pas que c’est un autre couillon qui viens se payer ma tête, je me sent limitée niveau humour en ce moment. Mais à l’instant ou je met enfin un visage sur les pas je cligne des yeux pour être sure de ne pas avoir d’hallucination un espèce de skinhead viens de se planter devant la porte, un sacré morceau même, je cherche des yeux un uniforme, une escorte pour le mètre au trou mais ne perçoit rien. Je hausse un sourcil, mais c’est la stupeur qui s’installe quand il s’adresse a moi.
« Jeune fille » Celle la vas falloir me la refaire, quand à son nom il m’arrache un hoquet de stupeur, si je m’ étais attendue à ça…
J’ai déjà bossé avec d’autres flic pendant ma formation, mais ils ressemblaient plus aux deux autres idiots précédemment cités.

« Je suis Nikita Pierce, votre nouvelle coéquipière. Comment je suis arrivée ici? Sans commentaire, mais j’apprécierais que l’on me fasse sortir. »

Avec cette tête d’ahuri je me demande si il à compris un traitre mot de ce que je lui raconte, et cette manie de me dévisager comme si j’étais une bête curieuse me met mal a l’aise.

Ok, là ... Ca part un peu mieux que ce à quoi je m'attendais: c'est pas ma fille. Par contre, elle a l'air vachement stressé. Faut prendre du Prosac ma mignonne de temps en temps, ça détend. Toute fraîche, toute menue. Avec un aplomb spectaculaire, elle me donne son nom. Je m'attendais limite à ce qu'elle me la joue gosse pourrie gâtée en agitant les cheveux comme dans une pub de shampooing ou en me titillant le museau avec un décolleté à donner le vertige à Superman mais non, elle reste calme, cool, stoïque. Presque balbutiante tellement elle carbure à me donner toutes les informations.

" Attendez, stop, stop, stop, du calme ! "

J'ai eu un bog là. Du genre blue screen of death, 404 not found ou Fatal Error. Faut que je rembobine la bande pour remettre là où ça clashe. Ma nouvelle coéquipière ? Ah bon, première nouvelle.
Deuxième nouvelle, ... J'ai une lycéenne blonde comme coéquipière. Comme s'ils avaient foutu Paris Hilton en ménage avec Rambo. Le genre couple explosif.
Oh putain, je sais qu'ils ont de l'humour les cravatés mais là, ça dépasse tout entendement et toute logique. A moins que la gosse soit en train d'essayer de me truander avec un mensonge gros comme ma mère. Et ça, j'apprécierai moyen...

" Vous, ma coéquipière ? Autant danser la gigue au sommet d'un pylone d'éclairage lors d'un Superbowl... Vous avez votre feuille de mutation qui indiquerait une telle chose ? "

C'est la misère ... Mais d'un coup, j'me sens un peu plus détendu. Pas besoin de jouer les cow-boys avec cette gamine. J'éloigne donc mes mains de la zone rouge pour en faire je ne sais trop quoi. Mais ça me détend. J'sais pas ce qu'elle fout là mais si elle dit vrai ... Elle a dû faire un sacré merdier pour en être à Basin pour sa première affectation... T'emballes pas, Kane, c'est ptêt juste une paumée qui essaie n'importe quoi pour s'en sortir. Elle t'aura repéré au Kadie's et aura entendu ton nom je n'sais où ... Un ange aux cheveux d'or, pourrissant dans une taule immonde, sous la direction de Sa Sainteté Lynd. Comme c'est touchant.

Il se dandine ne sachant que faire de ses mains et me regarde avec un air compatissant comme si j’étais handicapée ou pire, nue au milieu d’un pénitencier réservé aux hommes. C’est une drôle de chose de se faire dévisager à longueur de journée et je ne m’y habituerais jamais. Il ne me crois pas, super. Mon physique qui me donnais souvent une longueur d’avance et m’accordais la confiance de n’importe qui joue souvent contre moi ces derniers temps. Cette ville à une ambiance extrêmement bizarre où la beauté n’est pas un passeport pour la gloire. je lui indique que mes affaires ont été confisquées et que je lui donnerais mon ordre de mutation des qu’il me les auras restitué, âpres tout ça ne se fait pas de fouiller le sac à main d’une demoiselle et ce rustre pourrais être traumatisé à la vue d’un tampax. Il me regarde avec une hésitation, me faire sortir ou pas…Le stress monte, et je me sent tout a coup comme un petit animal blessé, emprisonné dans une cage trop petite, voila pourquoi je n’ai jamais pu conduire correctement, les voitures me flanquent la nausée. Je le regarde maintenant avec une sorte de supplication, oubliant ses abords durs et son attirail de nazillon et c’est d’ une voix presque éteinte que je lui sort:
« Aller mec t’inquiète je sais pas si tu l’as remarqué mais on est pas du même gabarit toi et moi. »
Il semble presque s’attendrir à ces mots.

A force, si les emmerdes continuent à ce rythme, j’aurais visité toutes les salles du commissariat en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Je sais pas ce qu’ils ont aujourd’hui, les flics donnent plus de fils à retordre que les criminels, y’a pas comme un bug dans la matrice là ? Je descends quatre à quatre les escaliers qui mènent aux cellules, un gardien m’a dit qu’une fille faisait des siennes, ou je sais pas. Je m’en rendrais compte sur place.

En place dans les lieux du crime, un homme qui parle à quelqu’un dans une cellule. Aucun des deux visages ne me dit quelque chose. Encore des bleus ou quoi ? C’est la journée porte ouverte ? Je m’avance d’un pas décidé et sur, me postant aux côtés de l’homme en question. Une jeune fille, blonde, l’air désemparé se trouve derrière les verrous.

« Bien, est-ce que quelqu’un peut me dire rapidement ce qu’il se passe ici ? »

Bon, au moins, c'est un truc de fait. La gosse a un minimum d'humour. Ca fait déjà un bon point pour elle. J'ai horreur des gens qui n'ont aucun humour. Certes, on a pas le même gabarit et faut que j'arrête de forcer sur les Royal Cheese. Ca va finir par me meuler les abdominaux, un régime pareil. En bref, je m'apprêtais à faire demi-tour quand j'entends quelqu'un rappliquer. Merde, j'ai les mains qui reviennent dans la zone rouge. Ca me tance et ça me gave de jamais pouvoir avoir une seconde tranquille.
J'peux même pas tailler la bavette à une gamine mignonne sans qu'on vienne me pourrir de tous les côtés. A croire que j'ai vraiment une gueule à m'attirer les emmerdes. Des pas plutôt mesurés, du genre d'une personne qui connaît bien les lieux. Une habituée. Femme si j'en crois le son caractéristique de talons sur le sol froid et marbré.

D'ailleurs, ça se confirme. La silhouette se découpe dans l'ombre. Joli tailleur, belle tenue, le genre de fringues qu'on peut se permettre quand on a un certain standing en vie.
Aucune formule de politesse, voix sèche et cassante, le genre "j'impose-mon-autorité-et-ferme-ta-gueule". Même si je suis pas chez moi ici, j'accepte pas d'être traité comme la dernière des merdes.

" Dites donc, c'est pas pour dire qu'il faudrait que vous trouviez un autre bac à sable. Mais quand même... Vos incompétants de collègues ont enfermé une gosse dans le mitard. Gosse qui demandait à voir un certain Kane Ryben comme si c'était le messie. Elle prétend être sa nouvelle coéquipière. Ca vous va ou faut que je vous chante The Star-Spangled Banner ?"

Une réponse un tantinet bondissante et joyeuse dans cet univers macabre d'une taule froide et insipide. J'aime beaucoup trancher dans le décor. Comme maintenant, entre deux filles superbes se trouve un vieux baroudeur complètement jeté.
J'ai l'impression d'être un furoncle qui a poussé entre deux anges, l'une blonde comme les blés, l'autre d'ébène et de nacre. J'aime beaucoup ce tableau.
Blanc, Noir et Rouge... Comme l'écarlate de mes ruisseaux d'hémoglobine qui a pas disparu de mon épiderme.
J'fais vraiment tache, et y a pas à dire ... J'aurais dû changer de fringues.

Je lu arrache un sourire, et c’est une toute petite victoire personnelle qui viens me rassurer un peu, j’en suis sure maintenant je serais bientôt sortie de ce trou. Mais, c’est qu’ il s’en vas l’animal dire que j’ai faillit y croire, je m’apprête à protester lorsque il se fige dans son mouvement en regardant plus loin dans le couloir, c’est la que je les remarque, des bruits de pas précipités, des talons aiguilles visiblement, une démarche souple et équilibrée mais un pas léger. Dans un tailleur séré de femme fatale une inconnue s’approche visiblement décidée à en découdre. Un visage fin aux accents de fureur à peine dissimulée et de longs cheveux bruns retombant sur ses épaules, des ongles manucurés. Cette jeune personne dois sans aucun doute occuper un poste important de la hiérarchie. Son ombre se détache gracieuse et toute en courbes sur le sol froid et tranche avec sa voix cassante. Un charisme impressionnant se dégage d’elle et pourtant le vieux bourru ne semble même pas le remarquer. Comment peut on être aussi aveugle. J’avoue cependant que mon jugement est surement un petit peu entaché par mon émerveillement de découvrir une si jolie femme dans ces lieux sordides. Cette femme c’est un peu le type inaccessible, la superbe mannequin que tu commande pour ton noël sur un catalogue tout en étant frustrée de savoir que tu ne recevras qu’un ensemble de lingerie, pas mon type. Je la regarde plutôt façon lèche vitrine dans des magasins de luxe, comme une robe Chanel que l’on oserais jamais acheter.
Décidément ce Kane me fais rire, je ne suis pas sure qu’il le fasse exprès mais sa bonhomie est pour moi le grain de sel dans son allure pourtant si peu nuancée.
Je ne sais pas si c’est toujours aussi animé dans la région mais je risque de m’y plaire finalement, tout en chassant ces pensées j’observe tranquillement la scène en spectatrice très professionnelle. On manquerais presque de pop corn par ici.

(Le vrai nom de Vesper est certes Giancana, mais au quotidien elle utilise le pseudo « Vesper Lynd » )

J’aurais pu le toiser d’un regard ahuri, non. Au lieu de ça, j’esquisse un rictus, je croise les bras sur ma poitrine, mon regard se fait perçant et l’incite à comprendre ceci « tu me reparles encore sur ce ton et je t’égorges sur place sale merdeux ».

« Capitaine Lynd. J’espère que vous avez une assurance vie, ça pourrait vous être utile très prochainement. » Le ton de ma voix se veut cassant et froid. Autant mettre les choses au clair tout de suite, lui ça va pas être mon pote. « Kane Ryben, je suppose que c’est vous, votre dossier est sur mon bureau, fraichement arrivé ce matin, avec une photo qui ne vous avantage pas d’ailleurs… Mais passons. Je retiens votre proposition de chanter The Star-Spangled Banner, en tutu rose, avec une pancarte « je suis un gros crétin de condé » en plein centre-ville, là où ca craint, avec un peu de chance vous serez abattu et je remercierais les Saints qui auront fait ça. »

Je me retourne vers la cellule, emprisonnant une nouvelle recrue visiblement, qui ce serait fait coffrer par erreur, je suis entourée d’abrutis. J’interpelle un pseudo maton pour qu’il lève les verrous et laisse sortir la bête de sa cage.

« Vous allez devoir m’expliquer comment vous êtes arrivez ici, jeune fille. »

On me resserre du « jeune fille », encore, mais je décide de ne pas me formaliser, j’ai comme l’impression que ces deux mots me suivrons encore longtemps dans ce bled. Comment je suis arrivée ici? Elle en à de bonnes celle la, par la porte surement…
Avec un peu d’hypocrisie je dirais que c’est une regrettable erreur de jugement de la part d’un baltringue de schtroumpf ventripotent avec un esprit plutôt dérangé, lequel s’avance d’ailleurs fier de lui afin de me sortir de mon emprisonnement forcé.
Le problème c’est que malgré ma petite excursion foireuse je n’ai pas vraiment mérité mon traitement de faveur, une fausse carte me donnant officiellement l’âge de vingt deux ans ça reste un délit mineure pour lequel n’importe qui se serais contenté d’un avertissement.
Sortant d’un pas peux convaincu de ma tour d’ivoire, je m’arête à la hauteur de nos deux protagonistes, mais évite les yeux de la femme comme s’ils étaient deux serpents venimeux prêts à m’attaquer.
Je force un sourire mutin et en guise d’entrée en matière lance un regard de pitié toute feinte au geôlier grassouillet et c’est reparti pour une explication détaillé de ma condition.

« En allant au commissariat cette après midi , j’ai tout bonnement décidé de m’attarder dans un bar à mi chemin entre l’hôtel ou je suis descendue et l’endroit ou nous sommes à présent. Je suppose que votre éminent collègue, à voulu rentabiliser par un dur labeur une journée de beuverie bien méritée, je n’ai jamais vu nulle part ailleurs une personne se faire arrêter pour un verre, d’autant plus que je n’ai pas encore pris mon service. Quand à la suite je présume que vous a connaissez… »

Gueule d’ange hein? Le mensonge par omission est il un péché?

" Enchanté, capitaine. Il faut juste savoir que, contrairement à vos sbires amidonnés, je préfère l'efficacité à un uniforme propre. Du genre "vieux con" à qui on n'apprend pas à faire des grimaces ... et j'ai dépassé la date de péremption pour l'assurance-vie, avec mon dossier, c'est plus possible. "

J'lui colle un beau sourire et lui dis tout ça d'une voix guillerette, presque chantante. Même si elle fait plus d'une tête de moins que moi, je dois avouer qu'elle en impose, la pitaine. J'aime bien son caractère bien trempé. Sauf qu'il va falloir qu'elle se fouraille dans le crâne qu'on bosse pour la même maison. J'apprécie pas trop la manière avec laquelle elle crache sur l'Hymne en l'associant avec une figure immonde de tutu rose. Bref, pas grave. Je ne m'en formalise pas. Et elle a une gueule qu'il me peinerait d'amocher à grands coups de pilon. Je réserve ça pour d'autres. La jeune femme ne se démonte pas, elle me plaît d'plus en plus mais impossible de savoir si c'est une pute en bas-âge, ou une novice sortie de l'école de formation. Faudrait la tringler pour voir et se faire une idée du style. Mais il y a un je-ne-sais-quoi dans son attitude qui m'fait tirer la bride: apparemment, c'est pas vers les hommes qu'elle serait orientée. Non pas que ça me gêne, mais c'est une scène à faire bander n'importe quel taureau que d'imaginer la pitaine et la recrue s'envoyer une partie de jambes en l'air dans le comico.

J'esquisse l'ombre d'un sourire lorsque la jeune sort de sa taule. Un sous-fifre trop bedonnant, goinfré de donuts et de café bon marché vient lui ouvrir la porte. Il tient comme un idiot le sac à main de la demoiselle. Je le lui prends sans considération autre qu'un regard noir, retroussant mes babines comme si j'allais le mordre. J'adore jouer au méchant.
Je fouille le cabas pour y trouver un papier froissé marqué du sceing des hautes autorités. Alors, je tends ledit papelard à Madame le pitaine pendant que je trouve ce qui m'intéresse: la pièce d'identité. Le sac retombe lourdement sur le sol, mais tout ce qui m'intéresse, c'est ce bout d'papier pseudo-officiel.

" Concernant l'ordre de mutation, c'est vous la pro, Capitaine. Mais si vous m'permettez concernant l'papier d'ID, je peux vous assurer que c'est un magnifique faux. "

J'en ai vu suffisamment pour les repérer au premier coup d'oeil, surtout que celui-ci est quand même un poil grossier. Même si le fond me semble juste, la forme en est limite. L'écriture soit-disant officielle montre des jambages trop épais ou des pliures inadéquates. C'est avec désolement que je le tends à la pitaine. Moi, j'm'en lave les miches.

Bordel. Ce p’tit con commence sérieusement à m’agacer. Je hais ce genre de type qui croit tout savoir sur tout et tout le monde.

« Va falloir apprendre à la fermer, vous. » Je m’attarde pas plus longtemps que ça sur ce spécimen, je suis capitaine et il en vaut pas le peine. Et s’il veut se croire plus malin rira bien qui rira le dernier.

La fille sort de sa cellule. Mon regard qui s’attarde sur le flic de bas étage venant de la libérer n dit long sur la suite de sa carrière à celui-là. Il peut oublier le terrain et ira tenir compagnie au type des archives. Ryben récupère les affaires de la fille dans un carton et entreprend de fouiller dans son sac. On lui a déjà dit que c’était pas bien de fouiller les affaires d’une fille ? Mais je laisse faire après tout, c’est pas moi qui vais me salir les pattes. Il me tend un ordre de mutation, jusque là tout va bien. Nikita Pierce, sortie d’école. Drôle d’affectation, elle a pas dû finir dans les premières. Nouvelle recrue donc, très bien. Une que je pourrais polir à ma façon, avec un peu de chance, elle finira pas comme l’autre à côté. Mais pour attester de la véracité de cet ordre de mutation, il me faut une pièce d’identité, ce que Ryben ne tarde pas à me donner, en y allant de son petit commentaire. Fausse pièce, hein ? La photo correspond, le nom aussi, l’âge j’en sais rien. Bien que les évènements racontés précédemment viennent légèrement en contradiction avec ce qu’il ce serait vraiment passé. Même pas besoin d’être flic pour comprendre que, fausse pièce d’identité, bar, alcool et garde à vue, veulent dire consommation d’alcool en dessous de l’âge légal avec faux et usage de faux.

Je regarde Pierce dans les yeux, elle comprendra que je ne crois qu’à moitié son histoire.

« Vous êtres au courant que pour l’infraction que vous venez de commettre vous risquez 3 ans de prison ? Vous avez de la chance d’être tombée à Basin pour une première affectation. Je ferme les yeux là-dessus, le rapport attestant de votre garde à vue sera détruit, j’espère que vous avez au moins votre vraie pièce qui traine quelque part. »

D’un geste de la main, je désigne Ryben.

« Votre coéquipier, je suis sûre que vous allez parfaitement vous entendre. Et comme monsieur à l’air expérimenté, il vous apprendra tout ce dont vous avez à savoir pour faire une merveilleuse fliquette. Et tâchez de vous entendre, je compte pas changer les équipes du jour au lendemain.»

Rha bordel, je l'aime bien, la p'tite. Insupportable bien comme il faut, froide comme le Groënland et conne comme ses pieds. Enfin, c'est pas tellement mon style de gérer une équipe de bras cassés. J'comprends qu'à la longue, ça doit saoûler mais quand même. J'ai jamais vu quelqu'un prendre les gens d'aussi haut ... Et aussi vite. A peine un coup d'oeil, hop, t'es d'la merde. C'est moi, moi, moi, et moi. J'suis sûr qu'elle connaît même pas la devise de l'ordre qu'elle est censée incarner.

Mais j'adore ce vache de caractère de salope. Ca voit rien à plus d'deux mètres, et c'est content de son pouvoir sur un comico pourri d'une ville minable.
J'l'aime ma pitaine, et si l'un des truands l'approche trop près, il en sera pour ses frais. Elle cadre parfaitement avec cette ville.

" Toujours moins de taf à faire que si j'avais à apprendre à bien faire mon boulot ... Hm ?

J'me suis pas privé de river mes yeux dans les siens à Madame Lynd, j'conclue ma phrase par un clin d'oeil agrémenté d'un sourire en coin. Qu'elle fasse marcher son commissariat à la baguette. Mon domaine à moi, c'est la rue. Et il n'y a que ceux qui comprennent où se font les limites entre propriété éminente et propriété utile qui font des vieux os dans ce métier. Surtout dans une ville aussi pourrie que celle-là.

C'est marrant comme je tranche avec ces deux enfants. On leur donnerai le bon Dieu sans confession et c'est moi qu'on placarderait au trou pour délit de sale gueule. Bref, on va pas rester plantés là deux plombes, y a du travail à faire et vu comment la p'tite a commencé sa carrière, va falloir lui apprendre deux ou trois p'tites choses.

" Allez, Mademoiselle Pierce. Il ne faudrait pas faire perdre son temps à Madame Lynd. On s'dépêch: j'vous donne cinq minutes pour récupérer vos affaires et me retrouver dehors. Madame Lynd... Tout se passera bien, comme vous le souhaitez. A bientôt. "

Et me voila à les planter là sans autre forme de procès. Je n'ai même pas le coeur à exécuter un pas de danse tellement j'suis blazé par le contrecoup: j'viens d'accepter une gosse comme coéquipière ... L'avantage sur un vieux ripoux, c'est qu'au moins, j'aurais pas peur d'un coup de calibre dans le dos.

A ce propos ...

" Madame Lynd. Stanislav Malievich, appartenant à la Famille de la ville, a descendu quelqu'un au Kadie's. Le corps était encore chaud lorsque j'ai ... expliqué à Monsieur que ce n'étaient pas des manières. Vu que je n'avais pas encore pris mes fonctions auprès de vous, il m'a semblé inapproprié de lui faire connaître de manière plus ... définitive mon opinion à ce sujet. Nous avons juste échangé nos poings de vue. Je tenais à ce que vous le sachiez. "

Et me voila reparti vers la surface. Je ne supporte plus ce trou à rats miteux. A l'occasion, je lui toucherai deux ou trois mots sur la conception de "pouvoir et tenue d'un symbole de l'autorité" mais je pense que ça serait mal vu. Faut pas bousculer leurs petites habitudes, c'est malsain.

On fouille pas les affaires d’une fille, je lui ai dit à ce salaud et la m’dame semble l’avoir relevé vu le coup d’œil accusateur qu’elle lui lance déjà, il a trouvé mes papiers et y vas déjà de son petit commentaire pendant que la comico me lance un regard que j’interprète par : « tiens donc » Voilà je suis grillée.

Je hoche la tête cachant au mieux ma mine coupable par une feinte indifférence aux paroles de la commissaire. Des présentations en bonnes et dues formes me semblent un peu pompeuses aux vues de la situation actuelle, mais j’acquiesce silencieusement la tête baissée comme pour moi même. C’est pas que ça me dérange de travailler avec ce vieux bonhomme mal embouché, il me semble que j’accepterais même le diable en personne comme collègue de travail, mais il y a quelque chose chez lui que je capte pas comme si il essayais de cacher quelque chose. Qu’il semble accepter de travailler avec moi, ça me semble un peu tiré par les cheveux, selon son dossier ce type à déjà à son actif quelques mutations disciplinaires, et même si il ne correspond pas à l’image que je m’étais faite de lui – celle d’un tire au flanc quelconque qu’on se renvoie de ville en ville car particulièrement incompétent et que j’aurais pu évincer facilement – je me surprends à m’imaginer travailler avec lui, c’est presque un putain de cliché la p’tite nana et le vieux loup de mer, à s’en demander ou sont passées les deux autres drôles de dames. Mais ce qui m’intrigue encore plus, c’est qu’il semble accepter passablement bien l’autorité de la patronne alors que toute sa personne prône une sorte d’anarchie mal contenue, un non-conformisme poussé déjà contenu dans son ADN.

Plongée dans mes pensées je sursaute presque quand il me demande de le suivre. Bordel il est déjà parti. Je lance un salut de la tête à la cheftaine, récupère dans la hâte mon sac à main et mes petites affaires avent de le poursuivre à petites foulées le long du couloir. Je ne le vois déjà plus, un sacré rythme de promenade le bonhomme. Je vais devoir lui dire une fois pour toute d’abandonner les mad’mzelle Pierce, Nikita bordel, mon nom c’est Nikita.

Centre ville: Rues et ruelles, devant le commissariat)